FOUILLE D’UN APPARTEMENT.

Par les temps qui courent certes c’est compliqué pour un espion de fouiller un lieu d’habitation ; tout le monde est chez soi, ou censé l’être. Voici la technique et pour votre plaisir, je l’espère, et pour le mien aussi, et par ce que vous avez plus de temps pour lire, je vous livre un extrait de mon futur roman.

Technique.

 En temps normal, hors pandémie, à l’étranger, il n’existe aucun moyen de procéder à une perquisition légale. C’est donc par ruse ou par effraction, clandestinement, que doit agir un officier de renseignement pour fouiller le domicile d’une cible. Il peut pour cela manipuler un familier des lieux, par exemple un employé de maison. S’il a besoin d’opérer lui-même, il prend un risque considérable. En cas d’arrestation, il devra assumer de passer pour un cambrioleur de droit commun. Mais sa formation lui a appris à forcer une serrure, à copier sur place les documents intéressants et, surtout, à ne pas déranger les alignements d’objets conçus pour révéler une fouille.

Extrait du roman « le lièvre dans la lune ».

… Le bi moteur se posa en pleine cambrousse après plus d’une heure et demie de vol depuis Cebu. La moiteur de la saison des moussons enroba l’équipe de Chris au pied de la passerelle de l’avion. Le Tarmac leur souhaitait une chaleureuse bienvenue à travers les semelles de leurs chaussures. La centaine de mètres qui les séparait de l’aérogare leur donnait un avant-gout du climat. Une immense affiche murale indiquait « Région autonome musulmane de Mindanao ». De grandes pancartes décolorées recevaient à grands coups de pinceau imbibé de colle des images à l’effigie du gouverneur régional Mujivs Hataman.

Maher les attendait à la sortie, avec un panneau « French Tourist » comme un simple transfériste pour voyageurs désireux de visiter une île non touristique. Les autochtones ne semblaient pas leur prêter attention, mais les regards furtifs, composés d’une indifférence calculée glissaient sur eux.

Il les conduisit dans une maison privée au nord de l’île. Éloignée de toute habitation, à la lisière de la jungle tropicale ; c’était une planque discrète.

Devant, un vieux 4X4 était garé.

Maher l’avait volé avec l’aide de son cousin ; les plaques d’immatriculation étaient changées par précaution.

Des tonneaux suspendus de récupération d’eau de pluie servaient de douche. 4 chambres spartiates suffisaient pour passer des nuits sur un qui-vive constant.

Ils se réunirent dans le salon pour établir un plan. Ce que leur apprit Maher enleva toutes les idées échafaudées dans la tête de Chris. Pas d’intervention musclée ; trouver les documents, les photographier et les remettre en place. Les messages posés sur la stèle étaient codés, programmés dans un laps de temps et probablement changés. Ils n’avaient pas le temps de les décoder. Il fallait opérer en Ninja, sans laisser de traces.

— Maher, peux-tu en savoir plus ? questionna Chris.

— Non, je suis surveillé, mes amis et ma famille aussi, je ne peux envoyer personne dans cette mosquée sans éveiller les soupçons. Nous agirons cette nuit, et ferons taire les chiens avec de la drogue. Il n’y a pas de garde, mais les habitants autour regardent toujours s’il y a du bruit.

Le Philippin se leva et rapporta des sodas frais et des pistaches.

— D’accord, nous avons heureusement des somnifères, il nous faut de la viande. Nous interviendrons à 3 heures, l’opération ne doit pas durer plus de vingt minutes sur place. On reprend l’avion demain après-midi, on joue aux touristes, dit Chris.

Le seul moyen efficace après avoir étudié les possibilités d’approche même par la rivière Tubok qui se révélait être un cloaque immonde par endroits était de se fondre dans le décor et de s’habiller en musulmans croyants.

— Maher, demanda Chris, merci de nous acheter des vêtements locaux, d’occasion c’est encore mieux, comme un niqab complet pour Yon et Carla.

— Oui ? Je connais une friperie, je vous apporte tout ça ce soir.

— Très bien je te remercie. À plus tard.

Maher retourna à son véhicule et roula lentement.

— Bon, vous allez tous vous rincer avec l’eau de pluie du réservoir, et vous ne vous badigeonnerez pas de crème, vous ne vous aspergez pas de parfum non plus. Une fois que Maher sera de retour avec les fringues, vous les saupoudrerez d’épices locales pour atténuer votre odeur de blanc. Il faut tromper le flair des chiens autant que possible.

 Maher revient quelques heures après avec en plus des vêtements, quelques victuailles qu’il avait envie de partager avec le groupe.

Il raconta comment son père avait été piégé et décapité. Un matin, sa femme avait trouvé la tête de son mari sur le capot de sa voiture. Elle était devenue aphone. Maher, depuis, jubilait à chaque coup porté aux islamistes. Il savait qu’il allait le payer de sa vie, mais peu importait. Aucun d’entre eux ne le blâmait même si chacun pensait que la vengeance était source d’emmerdes sérieuses. Il les quitta un peu plus léger d’avoir vidé son sac, et leur donna rendez-vous le lendemain.

La nuit était calme, quelques chauves-souris chassaient et la lune se couvrait de nuages. L’équipe alla se coucher, chacun se doutait qu’il n’allait pas beaucoup dormir. Al rêvait les poings fermés, quand Carla lui secoua les épaules.

— Debout c’est l’heure.

Complètement désorienté, Al ne savait plus dans quel endroit il était ; tout lui revient en s’insinuant dans sa mémoire. Le trac arriva tout de suite après et c’est la bouche sèche qu’il s’habilla. Il éternua, il avait trop saupoudré les vêtements de Cardamome et de Coriandre.

Ils montèrent dans le 4X4 en silence, le démarrage du moteur leur donnait l’impression d’un rugissement que toute la ville entendait. Chris roula les feux éteints, pour l’instant le clair de lune suffisait. Il gara le véhicule à plus de cinq cents mètres de la rue centrale. Carla serait postée près du SUV. Il regarda sa montre qui marquait deux heures, il leur restait une heure. La plupart des gens se réveillent vers trois heures du matin sans raison. Certains avancent un changement du flux cosmique qui nous bombarde. Chris se remémorait souvent des théories abracadabrantes ou des idées fumeuses avant chaque action, il se demandait toujours pourquoi.

Al, Yon et Chris sortirent du véhicule en prenant soin de ne pas claquer les portières. En mode marche rapide et discrète ; aucun chien n’aboya. Ils franchirent le muret de la mosquée, Yon resta à l’entrée. Chris crocheta la serrure sans problème dans un silence absolu. Al de sa petite lampe torche éclaira la pièce dans laquelle s’était réuni le matin même le groupe de terroristes.

Elle était vide en dehors d’un meuble décrépi et d’un tapis de prière roulé dessus. Plusieurs secondes passèrent remplies de balayages lumineux infructueux, Al photographia la position du tapis et le placement des pieds, déplaça la commode bancale, pour découvrir un escalier usé. Il descendit, le cœur battant, à la dernière marche, il s’accroupit, son faisceau tomba sur un coffre à combinaison.

— Tiens, à toi de jouer, chuchota Chris, qui le suivait de près. Il lui glissa dans la main un stéthoscope.

Al s’assit en tailleur devant la porte et l’examina. Il se remémora ce que lui avait enseigné un instructeur, ex-cambrioleur. Quelqu’un de méfiant avait placé un morceau de Scotch sur l’ouverture, sans y prendre garde, il se serait coupé et ce gardien aurait vite compris.

Al le détacha soigneusement et s’attaqua à la combinaison. Chris lui montra le chrono ; il lui restait quatorze minutes. Le coffre était si vieux que la molette craquait à chaque tour et entendre le son différent d’un numéro était un exploit. Al détecta au bout de onze minutes, deux fois le chiffre 11. Il n’arrivait à rien d’autre.

— Essaye le 0 et le 9 murmura Chris.

— NoooN, répondit Al dans un souffle.

— Si… si l’on a de la chance et que c’est un ancien, il doit mettre aussi sa date de naissance en mot de passe sur son ordinateur, et en général c’est le genre nostalgique.

Al s’affaira, il restait deux minutes. Un chien aboya dehors, un autre l’imita. Les femmes couvraient leurs arrières, Yon à l’entrée, Carla allongée sur les sièges du Jeepney. Toutes les deux armées d’un couteau de boucher. Le coffre s’ouvrit brusquement, Chris photographia le contenu avec tous les angles possibles. Quand Al regarda les plans avec les numéros, il ne comprit pas tout de suite. Il replaça tout en ordre, au millimètre près. Ils repartirent comme des ombres.

L’œil de Chris en refermant la porte accrocha une brochure de croisières qui trainait sur une natte. Un chien gronda dans l’obscurité ; il n’aboya pas. Par sécurité, ils poussèrent le véhicule sur une centaine de mètres, alors qu’il était déjà garé assez loin. Chris démarra en serrant les dents…

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