Filature.
Suivre un individu nécessite beaucoup d’entrainement. Les personnes suspectant de faire l’objet d’une filature utilisent une technique de contre filature : passer par un immeuble à double entrée, changer de vêtements, changer de véhicule en passant par un sas, s’arrêter pour regarder dans le reflet d’une vitrine, stopper brutalement comme si on avait oublié quelque chose et regarder autour de soi…
Cela leur permet de vérifier qu’elles ne sont pas suivies, ou de semer une éventuelle surveillance. Les agents de surveillance appelés aussi filocheurs agissent en équipe coordonnée ; plusieurs dizaines de personnes sont nécessaires pour suivre durablement un suspect, afin de passer le relais avant d’être repérées. En général, celui qui est suivi, même un espion aguerri ne s’aperçoit de rien quand une trentaine d’agents le « filent ».
Comme la semaine dernière voici un nouvel extrait de mon roman qui sera publié un de ces quatre matins… c’est long, c’est long !
Extrait de mon roman « le lièvre dans la lune ».
Al se souvenait de la première fois où il avait semé un agent de la piscine dans Paris. Cela faisait partie de l’entraînement.
Le magasin de vêtements bien climatisé ressemblait à une aubaine en plein mois de juillet. L’asphalte surchauffé devenait encore plus chaud sous le passage incessant des roues des véhicules parisiens. Les vêtements d’été flottaient doucement dans la fraicheur de la climatisation silencieuse. Al percevait le chuintement de la gomme brulante des pneus sur la rue Lecourbe. La sueur de son front se refroidissait au rythme de son bien-être grandissant. Son dos était trempé sous sa chemise couverte par l’une de ses vestes d’été. Quelques minutes avant, il marchait depuis un moment pour essayer de semer ses suiveurs. L’un d’entre eux se trouvait devant ; il l’avait repéré à cause de son tic ; il frottait la base sa nuque fréquemment.
Devant lui, des robes longues à fleurs suspendues portaient des étiquettes, en solde. Al détestait les robes à fleurs sur fond noir ; cela lui rappelait la noirceur d’un enterrement égayé en vain par des fleurs. Tout le monde portait du noir en Europe. Il préférait les enterrements en blanc comme au Japon. Il choisit une robe à fond écru et des petites fleurs rouges et bleues. Dans les grandes tailles, une paire de chaussures bleu ciel à talons plats convenait à sa pointure. Il prit aussi un collier à larges boules bleues.
Il patienta dans la queue pour les cabines d’essayage. Il y avait toujours une file d’attente pour la gent féminine devant les cabines d’essayage et les toilettes dans les stations d’autoroute. En faisant tomber la robe soldée sur le sac d’une cliente, il subtilisa une petite trousse de maquillage. Il paya, la robe, les chaussures et un chapeau à large rebord et une paire de lunettes de soleil.
Dans la cabine d’essayage, il se déshabilla et se bouchonna le dos avec la chemise, il garda son slip et s’assit sur le banc en attendant que son corps se refroidisse. Il se maquilla sans bavure. Il opta pour un genre de camouflage de femme âgée. Il sortit le dos courbé, avec son sac d’emplettes qui contenait ses propres habits. Une cliente bouche bée préféra la refermer quand il lui adressa un clin d’œil. Elle devient cramoisie. Al se dirigea vers un comptoir à parfum, et s’aspergea généreusement d’un flacon capiteux devant une vendeuse agacée.
— Si vous voulez les tester, il faut en mettre un peu, vous savez, Madame.
Il se contenta de répondre.
— Pff ! Et s’éloigna en roulant des hanches. De retour dans la fournaise de la rue ; il passa à quelques centimètres de l’agent filateur qui ne le reconnut pas, mais qui avait dû le sentir passer. Cette fois-ci, il n’avait pas oublié de cacher sa pomme d’Adam. Dans son premier essai de camouflage en postière, il s’était fait repérer. Il pensait que sa perruque de longs cheveux bruns et son vélo auraient donné bien le change.